Armagnac: distillation
Un bel article dans Sud Ouest sur un des derniers distillateurs traditionnels: à ma connaissance, Patrick Michalouski travaille encore pour Pierre Laporte à Pouchégu et Michel Daspe à Mativat. Je l'y ai vu travailler il y a quelques années, est-ce une dernière survivance d'une tradition ancestrale? Il est sûr que les produits tant de Mativat que de Pouchégu ont la réputation d'être de belle qualité! Le soin des producteurs à lui fournir un bois de qualité, un vin parfaitement élevé pour la distillation, n'est sans doute pas étranger à l'élaboration d'un produit unique, pour notre plaisir à tous! Parfaite collaboration entre les différents acteurs, Patrick apprécie aussi de travailler pour des producteurs qui ont le même respect pour leur travail.
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PORTRAIT. -- Patrick Michalouski est l'unique bouilleur ambulant armagnacais du Lot-et-Garonne. Il achevait hier sa saison de distillation à Larroque-sur-L'Osse, à Rounacle. Un métier de plus en plus rare Bouilleur dans l'âme PHOTO CAROLINE CAMPAGNE |
Patrick Michalouski manie l'alambic avec une grande dextérité
transmise par son alchimiste de père, Casimir. C'est pourtant avec une
certaine réticence qu'il s'est lancé dans le métier de
bouilleur ambulant. « Ce n'est qu'une fois avoir repris le flambeau familial
que je suis devenu un véritable passionné. J'ai alors compris
que je ne pourrais plus jamais m'en passer ». L'ancien étudiant
en Sciences économiques à Paris ne regrette pas son choix aujourd'hui.
Bientôt trente ans qu'il roule sa bosse traînant ses alambics, de
propriété en propriété, à la demande des
viticulteurs. Il est surtout le seul professionnel à exercer dans le
Lot-et-Garonne. Fin de saison. L'homme clôturait hier
sa saison à Larroque-sur-L'Osse (32), à quelques kilomètres
de Condom dans la propriété d'Etienne Roche. « Je fais une
quarantaine d'interventions de fin octobre à fin janvier mais cela varie
bien sûr selon les années. » Patrick Michalouski détient
trois alambics, hérités de son père, et utilise du bois
pour la chauffe. D'autres lui préfèrent pourtant du gaz, qui nécessite
moins d'attention au cours de la distillation. Mais c'est en fait contraire
aux traditions gasconnes. « L'utilisation du bois présente plusieurs
avantages. La distillation se fait de manière plus douce et produit une
eau-de-vie d'armagnac de meilleure qualité, explique-t-il. Cela permet
également au bouilleur de rester en mouvement en ajoutant du bois de
temps en temps, au lieu de stagner à côté de l'alambic.
»
Dans le même temps, cela permet de recycler les vieilles bûches
de la propriétés. Patrick est toujours en alerte, rajoutant du
bois dans la chauffe, vérifiant la température et discutant de
temps à autre avec son hôte. Aller distiller à domicile,
c'est un véritable gage de confiance. « Ici, Etienne Roche m'a
confié son vin. Il est ainsi sûr d'avoir dans ses bouteilles de
floc le fruit de son travail de viticulteur. » La distillation à
domicile serait d'après lui, « la seule méthode »,
garantissant une traçabilité. Le bouilleur ambulant travaille
avec l'appellation d'armagnac, qui correspond à certains critères
(voir notre entrefilet). Chez Etienne Roche, une fois l'eau-de-vie récoltée,
elle sera mélangée à du jus de raisin pour être transformée
en apéritif Floc de Gascogne.
53 000 bouteilles. Car à la différence
des bouilleurs de crus, distillant de l'eau-de-vie, pour leur propre consommation,
et qui paient d'ailleurs un droit pour cela, le bouilleur ambulant va distiller
chez ses clients uniquement pour la revente du produit. « Si je veux boire
mes bouteilles, je dois alors payer une taxe de plus de 14,50 par litre d'alcool
pur », explique Etienne Roche, le viticulteur. Un peu chère la
bouteille, tout de même ! De l'alambic sortiront quelques 900 hectolitres
de vin distillés susceptibles de produire ensuite 90 hectolitres d'alcool
pur. Et peut-être 53 000 bouteilles de Floc de Gascogne. Sans les pertes
bien sûr ! Alors Patrick est toujours sur le qui-vive, à l'écoute
des ronronnements de son alambic, les yeux rivés sur thermomètre,
pour maintenir la température de la chauffe.
« Le plus difficile, c'est de gérer seul et surtout avoir de bonnes
oreilles pour surveiller la distillation. » Concernant la rentabilité
de son affaire, le bouilleur préfère rester discret. Il propose
en outre des services de dépannage informatique et assure les inventaires
de chais. Les bouilleurs sont payés à l'hectolitre d'alcool pur.
Mais le professionnel ne cache pas que le métier n'est pas aussi rentable
qu'autrefois en raison de la crise de l'armagnac. Mais également parce
que certains propriétaires décèdent et ne sont pas remplacés.
« En 1991, les cours ont chuté lors de la guerre du Golfe. A laquelle
s'est ajoutée une année de gelée particulièrement
redoutable. On ne s'en est jamais relevé, déplore Patrick Michalouski.
Pourtant, à l'époque, les affaires marchaient bien et je comptais
même ouvrir une distillerie pour satisfaire toutes les demandes de mes
clients. »
Le professionnel estime néanmoins tirer son épingle du jeu avec
ses alambics. La fin de la saison s'achève. Hier soir, l'appareil de
Patrick s'est arrêté avant de reprendre ses activité en
novembre prochain. En attendant, il sera entièrement démonté
dans quelques jours pour être nettoyé dans ses moindres recoins
des mains expertes de son propriétaire.
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